Surdoué-e, le paradoxe : tout le monde veut l’être, mais personne ne les aime.

C’est dingue non ?

Lorsque la vague de mode revient sur la douance, on lit pleins d’articles ici et là qui décrivent quelques traits remarquables et assez communs chez les surdoués, et immanquablement, on a 50% des commentaires qui disent :
 » Ah mais voilà, moi aussi je suis surdoué-e ».

Parce que quand même, c’est bien pratique et c’est bien la classe d’être un génie. On est, littéralement, au-dessus des autres. Bah oui, c’est marqué là, sur la courbe de Gauss du QI.
Et puis, attendez, quand on est surdoués, non seulement on est « au-dessus » des autres mais en plus, on est rare. Et ouais, c’est pas tout le monde qui est un génie !

Moi-même quand je l’ai confié à deux, trois personnes, j’en ai eu un bon tiers pour me dire « Bah si ça se trouve moi aussi ! ».
C’est glam d’être un génie. Ça le fait.
Même connaitre un génie, ça suffit. Pouvoir dire mon/ma [rayez les mentions inutiles] fille/fils/frère/soeur/cousin/cousine/tante/oncle/voisine/voisine/colocataire de chambre à la pouponnière quand je suis né-e est un-e surdoué-e, bah ça le fait.
Il y a un peu de cette aura sublime qui rejaillit sur soi. On est éclaboussé par le succès que l’on prête à l’autre en somme.

Alors au vue de l’enthousiasme débordant et de l’empressement constaté pour se réclamer au moins une ressemblance avec ce qui apparaît comme une élite de l’humanité (ouais n’ayons pas peur des mots) aux yeux de beaucoup, on aurait vit fait de conclure que les personnes effectivement surdouées se trimbalent un fan club de folie, et une troupe en permanente vénération de leur personne collée à leur basques.

Et bien noooooon !

Et bien noooooon !

Quand il s’avère que tu es réellement un-e génie et que tu le dis, les réactions sont  à peu près celles-là :

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Il faut bien noter l’air outré/offusqué, comme si vous veniez des les insulter eux et toute leur famille sur 12 générations ascendantes et descendantes.
D’un seul coup, vous vous transformez en un espèce de monstre d’orgueil, qui se plait à écraser les pauvres fourmis misérable que sont tous les autres simples d’esprit qui vous entourent.
Rien que ça.
Et une fois que vous l’avez dit, on ne vous lâche plus une seule seconde. Dès qu’il y a le moindre calcul mental à faire, on se tourne vers vous.
Mieux, dans les délires et stéréotypes du génie, vous devenez celle/celui qui sait tout sur tout. La moindre question, qu’elle relève de la physique quantique ou de la chirurgie nerveuse de la cavité abdominale, on se tourne vers vous.
Vous devenez en somme la calculatrice ET l’encyclopédie ambulante de votre entourage.
Bah oui, vous êtes un génie donc vous DEVEZ savoir.

Vous ne savez pas ? Vous n’avez pas la réponse ? Ce n’est évidemment parce que vous n’êtes qu’un être humain et que vous n’avez pas plus que les autres la sciences infuse, mais parce que, votre ignorance le démontre, vous êtes un-e gros-sse prétentieu-x-se mythomane qui n’est pas plus futé-e que les autres.

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Oui, voilà…C’est ça.

La moindre de vos réflexions, la moindre de vos paroles passe alors par ce filtre que les autres ont installé suite à votre déclaration.
Vous n’êtes plus vous, vous êtes « le/la surdoué-e ».

Et ce n’est vraiment pas flatteur. On n’est plus avec vous de la même façon. Alors que votre comportement n’a pas changé, vous êtes accusé « d’être un petit peu hautain-e ces derniers temps ».
Une réflexion que j’aime bien aussi, c’est :
« C’est pas parce que « on » t’a dit que tu étais plus intelligente que t’as forcément raison hein. »
Mais tout à fait. Je n’ai pas raison parce que tu as appris il y a quelques mois que j’étais « plus intelligente que toi », mais parce que la logique, les faits, démontrent que j’ai raison pour le sujet qui nous occupe là.
Mon score au test de QI ne me donne pas un pass « toujours raison » à vie.
(Même si parfois, être surdoué-e c’est un peu avoir cette impression, avec le bonus que personne jamais ne nous écoute.) 

Comme pour tout, les fantasmes sont mieux que la réalité et le sujet de la douance n’y fait pas exception.
Ils se font du bien à l’égo en s’imaginant qu’ils pourraient être particuliers, différents et « mieux », selon eux.
Mais ils ne supportent pas de se trouver réellement en face de quelqu’un qui est ce qu’ils fantasmaient d’être.
Tout ça pourquoi ? Parce qu’on ne connait et ne comprend encore pas bien ce qu’est la douance, le surdon intellectuel ou quelque soit le nom que vous lui donnez (la preuve qu’on connait mal le sujet la communauté scientifique internationnale n’arrive même pas à se mettre d’accord sur un nom pour le phénomène !).
Nous sommes mal connus et de fait, mal compris. Par nous-même en premier lieu. Ca n’aide pas les autres à nous comprendre mieux.

Vous allez me dire que ce sont les problématique de tout à chacun, se connaitre, se comprendre pour mieux vivre ensemble. Biensur.
Mais ça reste un brin moins compliqué (juste un brin hein) quand au départ on parle la même langue. Etre surdoué-e c’est comme parler une autre langue. On apprend la langue des autres, on arrive à devenir bilingue même, mais il n’empêche qu’au départ, on est parti avec une difficultés de plus.
A l’arrivée, on est avantagé parce qu’on parle deux langues. Mais en chemin, au quotidien, on galère plus que les autres parce qu’on doit naviguer entre deux langues, faire des traductions plus ou moins approximatives et parfois juste constater qu’il n’y a pas d’équivalences possible entre les deux, qu’il y a des choses qu’on n’arrivera jamais à partager parce qu’il n’y a pas de mots dans la langue de l’autre pour qu’il comprenne.
On en arrive a s’emmeler en utilisant des mots dans deux langues dans une même phrase et là on nous regarde comme un extraterrestre qui a perdu l’esprit.

Le parallèle n’est pas mal trouvé.

Bref, tout ça pour dire que tout le monde aimerait être surdoué, mais personne ne les aime, les surdoués. :p

#AHP #HQI #surdoué #surdouée #adultesurdoué

13 réflexions sur “Surdoué-e, le paradoxe : tout le monde veut l’être, mais personne ne les aime.

  1. Gilles dit :

    Bonjour,
    Je viens de parcourir votre blog et aimerais échanger sur le sujet tant celui-ci est réssent, douloureux et ….. me perturbe.. Merci pour vos articles qui m’apportent beaucoup … Au plaisir.

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      • Gilles dit :

        Bonjour Line
        Je ne sais pas si ma réponse est au bon endroit n’ayant aucune visibilité sur mon écran (juste mon message) … Sinon désolé 🙂 je voulais vous remercier concernant votre article sur le foisonnement de penser … Car oui je partage totalement cette idée, qu’il s’agit d’une richesse meme si reconnaissons le parfois envahissante … Cependant les accompagnants dans nos démarches on tot fait de nous convaincre qu’il faut penser moins … « Vous pensez trop, je ne vous suis pas, il faut vous calmer  » alors au début de vos recherches, tout au moins, vous écoutez et vous dites qu’effectivement cette « anormalité de pensée » doit être soignée … Mais une question vous tarode :  » pourquoi ? Je ne suis pas malade et c’est en moi !!! Changeons mon cerveau alors ?  » je suis donc en totale accord et le prend comme une richesse … Bien sûr envahissante mais c’est ainsi 🙂 merci encore pour votre blog qui facilite mon parcourt …

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  2. Patricia dit :

    C’est un plaisir de vous lire… Comme d’habitude 😁. Limpide et drôle (ce qui n’est pas donné à tout le monde.. Je file de ce pas lire d’autres bafouilles sur le blog pour me mettre en joie 😘

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  3. LuM dit :

    Ça m’apaise de lire qu’une autre personne que moi a conscience de ces comportements : l’envie, la défiance, l’exercice de nier la spécificité existentielle de l’autre et donc de nier – simplement – l’existence de l’autre, autant de réactions d’intolérance à une forme de singularité alors que tant d’autres caractéristiques humaines moins glorieuses sont acceptées et caressées dans le sens du poil qui fait du bien. Être surdoué c’est « être génial » mais « devoir changer quand même parce que c’est se compliquer la vie pour rien ! ».
    Si plus de gens avaient conscience de ce dont est capable une personne surdouée qui va bien, la société chercherait peut-être à aider ces individus qui ne savent qu’oeuvrer avec un désintéressement rare vers des idéaux de justice et d’équité par des moyens réfléchis dans chaque détail près de ce qui existe et qu’ils ont rencontré. …Mais plutôt remettons les en cause pour un oui ou pour un non ! Car il faut bien que nos égos survivent ! Et aimons notre brouillon dans lequel nous nous sentons grands… : )…. : (

    Le titre de votre article me plait beaucoup. Merci )

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    • Line dit :

      Bonjour LuM,

      Je suis bien contente que cet article vous ait plu. Il a plutôt tendance à énerver les gens, comme vous avez pu le constater dans les commentaires. ^^’

      Je rebondis sur votre commentaire, en ajoutant simplement que si – en tant que personne surdouée – je suis très flattée des vertus que vous me prêtez (et que je ne crois pas être vraies dans mon cas) ainsi qu’à toutes les autres personnes surdouées, il ne s’agit malheureusement pas d’une réalité absolue.
      Simplement parce que le fait d’être surdoué·e ne garantit en rien la moralité (ou l’immoralité) ou l’altruisme (ou l’égoïsme).

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